From Hell

Allen et Albert Hughes

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From Hell... Je tournerai pas autour du pot de confiture : j'ai détesté. En tant qu'adaptation ratée passée à la moulinette hollywoodienne, ce film est vraiment un cas d'école (quoi qu'on dise sur la personnalité rebelZ des deux réalisateurs afro-américains).

Toute ambiguïté gommée, les personnages sont réduits à n'être plus que des caricatures (la pute-au-grand-coeur / figure-virginale ; l'apache qui se croit dans un film de gangster contemporain ; le génial détective du surnaturel, inquiétant mais tellement sympa au fond, réminiscence de deux autres nanars de Johnny Depp : La neuvième porte et Sleepy Hollow).

Glamour hors-sujet, piètre jeu d'acteur (ah, les poses langoureuses du minet gothique), photo uniformément moche (avec des ciels rougeâtres pour-faire-comme-le-Dracula-de-Coppola), banal "whodunit" remplaçant le portrait hallucinant de cinglé dans le "graphic novel" (cet anglicisme fait plus huppé que comics ), scénario de Cluedo ("le docteur Raisin. dans la voiture à chevaux. Avec le couteau de Liston". Alan Moore se moquait déjà de cela en annonçant ironiquement dans l'appendice de la BD : "Coming soon : From Hell the movie").

Ah, j'allais oublier la révélation finale où le méchant arbore de jolies lentilles noires pour-faire-diabolique (tiens, cette transformation grotesque m'en rappelle une autre... ). Jack l'éventreur a donné naissance au XXe siècle ? Indubitablement ! Celui des clips MTV dâââârk.

Franchement, concernant la filmographie de Jack, je préfère de loin me retaper les vieux films au style Hammer : les deux films où Sherlock Holmes enquête sur l'affaire, La fille de Jack l'éventreur, ou bien les différentes versions de The Lodger, voire même le téléfilm avec Michael Caine : académique, prétentieux ("Nous vous avons dévoilé la vérité !") et politiquement lourdingue (le méchant marxiste et le journaleux faux-jeton qui cherchent à salir cette brave couronne britannique) mais nonobstant meilleur que From Hell ze mouvie, ne serait-ce que pour la reconstition sagement AFP.

Je comprends mieux la médiocrité de l'adaptation en lisant une interview de ces deux abrutis de réalisateurs (ben quoi, un tel populisme m'irrite) : "Nous on en a fait (de la BD) un film et les gens l'aiment. De toute façon on ne touche pas le même public, les gens qui lisent ne représentent pas notre cible, de toute façon ils ne vont pas au cinéma." Gâ ! Mes potes, si vous lisiez plus souvent, vous diriez moins d'énormités. humpf. ôôôôôômmmmm...

Or donc, quoi qu'en disent ces charmants jeunes réalisateurs, si vous aimez évoluer dans une ambiance victorienne (comme le rappelle eric.lh, les suppléments Cthulhu by Gaslight et L'Aube dorée sont probablement les plus appropriés), lisez la BD parue aux éditions Delcourt. Certes, elle est chère (300 francs tout de même) mais c'est la plus intelligente oeuvre de fiction concernant les meurtres de Whitechapel : sans jamais songer à dévoiler une quelconque "vérité" plus ou moins rocambolesque, elle sait agencer certaines thèses conspirationnistes dans un but fictionnel, tout en collant le plus possible aux faits. A ce sujet, les deux appendices, fruits d'une recherche longue et fructueuse (notes abondantes sur le contexte et les intentions de l'auteur + historiographie en BD sur la postérité de l'affaire) justifient à eux seuls la lecture de ce pavé.

Pour conclure, même si on en oublie le matériau originel ("intégriste, moi ? Exigeant, môssieur ! ), le film ne tient pas la route. Ou alors comme série B diffusée par M6 en deuxième partie de soirée des "jeudi de l'angoisse" ?

Francesco Prelati

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